JEF 2025 du 1er au 3 mai.
Chères amies Soroptimistes,
Chose promise, chose due, voici donc mon second blog pour vous raconter des paroles d’écrivaines après avoir mis des compositrices en lumière.
Mais permettez-moi encore une réflexion après les fabuleuses pièces entendues jeudi soir : quel dommage que l’on prive l’humanité, des femmes et des hommes, de l’écoute de ces talents, de cette fabuleuse force créatrice, juste parce qu’elles sont étiquetées compositrices et que, forcément, elles font de la petite musique, de la sous-musique, juste bonne à être appréciée par des dames de bonne famille. Les interprètes ont découvert Caroline Boissier-Butini et Caroline Charrière et ne vont pas les lâcher de sitôt.
Grande qualité d’écoute
Bon bref, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos brebis. Sous la bannière du français à l’ère de l’IA et de l’écriture en française, vendredi à l’Intercontinental et samedi à la Société de lecture, quinze éditrices, chercheuses, expertes et écrivaines ont secoué, chaviré, chamboulé un public nombreux et captivé. A juste titre, car il est rare, très rare d’avoir autant de compétences, de talents d’ici et d’ailleurs mis au service d’une cause celle du français. Et d’avoir au sein d’un panel autant de diversité et de qualité d’écoute, de curiosité de l’autre.
Plusieurs choses ont émergé de ces conférences. Si le français est ébranlé dans son hégémonie très Académie française, il est loin d’avoir perdu la bataille contre l’anglais principalement, car il est très présent dans d’autres pays francophones qui se l’approprient, qui l’enrichissent, qui, quelque part le rendent plus charnu, plus frappant. Bien habillée, on m’a dit que je « massacrait » ; d’une copine regardant ma copie à l’école, on aurait dit qu’elle « girafait*, et que penser de « serpiller » un sol. Le français est donc bien vivant mais il faut être en capacité de l’entendre.
Étiquettes stéréotypées
Quant à l’IA, même pas peur, car il lui manque le corps, le geste de l’écriture, la nécessité d’écrire qui fait corps avec les mots… Sûr par contre qu’il faut aider les plus jeunes à être critiques, à différencier les types de texte, avec ou sans âme, avec ou sans algorithmes.
Unanimité autour de la question des étiquettes stéréotypées : « est-ce que l’on dirait à un écrivain qu’il est un écrivain homme et blanc ? ». Non ! Alors que les femmes sont constamment étiquetées : femme écrivain, femme écrivain mauricienne, noire, genevoise…Leur enlevant ainsi la capacité à être universaliste, à écrire comme un être humain, à créer des personnages qui ont leur vie propre, hors de leur vie à elles. Mais peut-être que cette force créatrice effraye. Au fond, en l’affublant d’étiquettes réductrices, on la maintient, on la tient en laisse, et avec le temps, on la rend invisible, anecdotique. Tout comme les femmes ont été rendues invisibles dans les interprétations de la Bible, ou encore sont si peu présentes dans les médias (env. 26%).
La poésie surgit
Pour les unes et les autres, l’écriture permet de se rafistoler peu à peu, ou de se mettre dans la peau d’autres personnes : « je ne suis pas moi lorsque j’écris, je ne suis pas femme, genevoise, ou que sais-je, je suis écrivaine et des mots viennent à moi, des histoires viennent à moi. »
Même chose pour le type d’écrit, un sujet va requérir la forme de la nouvelle, un autre le souffle du roman, de l’essai ou de la pièce de théâtre. A propos de souffle, l’habitude de la chronique judiciaire calibrée peut compliquer la création d’un roman policier moins millimétré. La poésie, elle, surgit comme ça, une nécessité. Même nécessité de poser au bord d’un trottoir, dans un cahier, des douleurs qui empêchent de se relever. Ou bien des études faites en anglais mais l’écriture, sérieuse, tripale, elle, « a choisi » le français, dès l’enfance.
Des mots pour dire la vie des femmes
Il a aussi été question du MOI, du JE, de la folie des femmes qui osent écrire ou penser, des mots qui n’existent pas pour dire ce que font les femmes, du français choisi comme langue d’expression parce que le vocabulaire est riche et que la langue d’origine, la langue de la mère, n’a que quelques mots pour dire oui, pour acquiescer, toujours. Et puis l’écrivaine Alice Rivaz, en conclusion, dans une vidéo, qui explique avoir voulu dans son œuvre donner une voix aux femmes, dire leur vie, vraiment.
Programme off plébiscité
Une chose est sûre, ces créatrices ont donné force et courage au public et enthousiasmé une Lucienne Lanaz, formidable cinéaste à la mèche bleue, descendue de son Jura pour nous présenter un extrait de son film « Vous avez dit Soroptimist ?, lequel nous a permis de revoir Laurence Deonna, grand reporter et féministe engagée pour la paix.
Vendredi soir, Christina Kitsos, la maire de Genève nous a accueillie au Palais Eynard avec un discours engagé et m’a dit avoir été portée par notre vrai soutien amical.
Quant au programme off : visite de l’ONU, du Musée de la Croix-Rouge, de celui de la Réforme et le tour de ville au féminin, il a été suivi et plébiscité.
Brigitte Mantilleri
Présidente Soroptimist International-CH 2020-22
P.S. J’en profite pour remercier toute l’équipe présente avec moi pour la réussite de cette aventure, pour les mets délicieux concoctés par des associations, Ademag pour les magnifiques fleurs en papier et toutes les personnes (plus d’une centaine de Suisse, Belgique, Luxembourg, Italie et…Dubaï) qui nous ont suivies durant ces trois jours. Un grand remerciement également à nos sponsors, au technicien qui n’a pas failli et au personnel de l’Intercontinental.
Crédit photographique Karine Genilloud